Newsletter N°3 - Avril 2021

Effets Neuro-Cognitifs

Edito

Un réel problème, des soignant-es à l’écoute
D’apparence anodines et invisibles mais très gênantes, déroutantes, voire culpabilisantes lors de la reprise d’activités sociales et professionnelles, les séquelles neuro-cognitives peuvent «empoisonner» longtemps la vie des patientes confrontées au cancer du sein.  
Dans cette Newsletter, celles-ci témoignent courageusement de ces difficultés et des moyens qu’elles ont trouvés pour les surmonter.  
Depuis les années 1990, la recherche se penche sur ce thème. Révélé par IRMf, le chemobrain est aujourd’hui reconnu par le milieu médical mais peu encore par le monde du travail et des assurances.  
Le Dr A. Bodmer, oncologue au profit d’une longue pratique clinique, nous explique de façon limpide les mécanismes en cause, ce qui aidera les patientes à se sentir écoutées.
La médecine intégrative est aujourd’hui une aide précieuse pour surmonter ces neuro- toxicités et l’intense détresse psychologique à laquelle elles font face.

Dessin de Pécub sur les effets neuro-cognitifs

Témoignages

«Mon corps et mon esprit luttent. Étant privé de sommeil, même si mon corps ressent le besoin de dormir, ma tête se bat constamment. Souvent, je n’arrive pas à terminer une phrase sans me souvenir du début. La perte de mémoire me laisse frustrée et triste. Les choses faciles deviennent des obstacles difficiles dans la vie quotidienne.»
Patricia Govaerts, 48 ans au moment du diagnostic
 
«J’ai appris mon cancer mi-décembre 2015. Opérée début janvier et mi-février, après 12 séances de chimio et 25 séances de rayons, j’ai souffert surtout dans les pieds avec cette impression de froid et aussi de chaud très désagréable et des douleurs articulaires dues à la prise de letrozole. Je prends de l’homéopathie qui m’aide beaucoup. C’est sûr que ces effets secondaires sont pénibles mais c’est la vie qui compte le plus. Alors on accepte et on avance avec l’aide médicale et d’autres thérapies parallèles.»
Nicole, 52 ans au moment du diagnostic
 
«Problèmes de concentration et de mémoire, commençant deux mois après le diagnostic. Attribués à la maladie, chirurgie, chimiothérapie. Impact sévère. Conséquences sur les responsabilités au travail: gérer la caisse, oublier des rendez-vous, perdre des papiers ou les égarer, retard dans la facturation. Je n’en ai pas parlé à mon médecin traitant. Le médecin spécialiste, infirmière et proches ont totalement reconnu cette situation. Pour m’aider: fer en supplément (Floradix), entraînement cérébral avec logiciel de Nintendo.»
Base de données OEA, anonyme, 47 ans au moment du diagnostic

 «J’ai eu un cancer du sein, triple négatif, très agressif en 2017. J’ai été traitée par tumorectomie. J’ai subi 16 séances de chimiothérapie dont les quatre premières furent très fortes et administrées tous les 15 jours au lieu de toutes les trois semaines. J’ai ensuite reçu 28 séances de radiothérapie. Ces traitements ont eu lieu d’octobre 2017 à mai 2018.  Après un peu plus de deux ans de la fin de ces traitements, je ne prends actuellement aucun médicament ni traitement, pourtant je ressens fortement les effets adverses suivants au niveau de: 

La mémorisation à moyen et long terme. Par exemple, je peux lire un livre captivant et l’oublier
totalement ou en partie au bout d’une semaine déjà. J’ai toujours un petit cahier et un stylo dans mon sac pour noter les choses importantes. J’utilise également le «mémo» de mon téléphone pour noter ce dont je dois me souvenir absolument.

La concentration et le suivi d’une conversation. Par exemple: lors d’une discussion à plusieurs personnes (2-3 personnes), je déconnecte très rapidement de ce qui est en train de se dire. Le télétravail est une source d’épuisement et provoque une chute considérable de la concentration pour moi. J’utilise la respiration et m’octroie de nombreuses petites pauses durant la journée pour récupérer au niveau de la fatigue mentale. Le matin et/ou le soir, je fais de la méditation et du yoga.»

Marie, 59 ans au moment du diagnostic

 
«A la fin de la chimio, il y a quatre ans, j’étais dans un sale état. Plus aucune force, plus de sensibilité aux membres. Un peu en état second. Je ne trouvais plus mes mots… Je ne pouvais plus reporter mes bulletins de versements (trop de chiffres). J’ai fait de l’acupuncture, de l’ergothérapie sensitive. Je suis allée chez une nutritionniste. Mais surtout j’ai commencé du yoga avec l’Avivo (Association de défense et de détente des retraités) et tout particulièrement du Scrabble avec l’association Mda+. Le contact avec des personnes même plus âgées m’a aidée. J’ai fréquenté Cité seniors pour différentes conférences et suivi des cours de lecture labiale. Je fais de la relaxation avec la Ligue contre le cancer. Je me suis engagée avec des «patients partenaires» aux HUG et ai participé à trois Hackathon. Je participe à Savoir patient. Je joue au Scrabble en ligne.  
Aujourd’hui, contrairement à avant les traitements, je ne peux plus exécuter deux choses en même temps, il me manque souvent des mots (je n’en ai pas l’image mentale), j’oublie trop souvent ce que je voulais faire. Quant à l’exécution des tâches, je suis handicapée par les douleurs. Et tout est plus lent. Par contre, je trouve que le raisonnement revient petit à petit. Mais je l’entretiens: face à une problématique, j’observe, je réfléchis et j’agis. Même si j’ai de la peine, je dois bouger sinon c’est pire.
Bon, l’immense conséquence est le «burnout». Je ne pouvais plus assumer les contraintes d’un travail et les neuropathies. En plus je n’ai guère été épargnée par mon employeur. Je suis en arrêt depuis le 20 septembre 2019. Et en attente de l’AI.  
Aujourd’hui je ne me bats plus contre mes douleurs, je fais avec. Cela veut dire qu’il y a des choses que je ne peux plus faire ou ne pas faire certains jours et surtout à un autre rythme. En partie à cause de la pandémie, je vis depuis février en recluse à la montagne, loin de ce qui me fait mal psychiquement, ne retournant à Genève que deux jours de temps en temps pour des traitements. La journée, le moral va mais je fais tous les matins un cauchemar concernant le
travail. Je pense être en état de choc depuis l’annonce du cancer, peut-être dans le déni. Mais j’ai voulu faire quelque chose de positif de cette expérience négative. Quelque chose comme de l’enseignement, un challenge, un défi à surmonter, trouver un moyen de pallier les faiblesses et les difficultés des élèves. Ah j’avais oublié, j’ai aussi fait de l’art-thérapie et de l’auto-hypnose. J’ai tendance à oublier des choses.»  
Patricia Sigwart, 53 ans au moment du diagnostic
 
«Dès le début, pendant les trois jours qui suivent le traitement au Taxol, trouble de l’équilibre, vertiges aux changements de position de la tête et du corps. Je m’oblige à rester chez moi pendant deux jours, puis sortie limitée le troisième jour. Apparition de brûlures et fourmillements aux extrémités des doigts d’intensité variable avec baisse de la sensibilité: je laisse tomber les choses, peine à les ramasser au sol. S’ajoutent des fourmillements, brûlures, douleurs à la plante
des pieds, œdèmes des pieds et jambes qui rendent les déplacements presque impossibles. Erythème «en chaussette» des pieds et tiers inférieur des jambes. Impact grandissant sur la qualité de vie: arrêt de toute l’activité «sportive» à cause de la fatigue, problème d’équilibre, démarche incertaine et dyspnée à l’effort en hausse.  
Suppression de toute vie sociale ou presque. Malaise général. Baisse de la concentration, oublis des noms propres, difficulté à trouver certains mots. Pour pallier: «ne pas conduire» et «tout inscrire».  
Arrêt des traitements: diminution progressive des troubles de l’équilibre à l’aide du Tai-chi mais des fourmillements aux mains toujours présents, avec baisse de la sensibilité et trouble de la préhension ainsi que des fourmillements aux pieds: importants, permanents, gênant le sommeil. Toujours baisse de concentration et de mémoire.»
Base de données OEA, anonyme, 52 ans au moment du diagnostic, 67 lors de la récidive

«Octobre 2016 on me diagnostique un deuxième cancer du sein, celui-ci est triple négatif ! (Le premier était hormono-dépendant). Après une opération, j’ai droit à un protocole composé de deux chimiothérapies.La première « costaud » a provoqué quelques effets secondaires plutôt pénibles ! Outre le fait d’avoir perdu tous mes cheveux et d’avoir quelques nausées malgré l’administration de médicaments anti-nauséeux, j'avais à chaque injection une impression d’avoir la tête comme dans du coton, d’avoir reçu comme un gant de boxe dans la figure et ceci pendant environ 3 jours. Alors la seule chose qui me faisait du bien, me redonnait un peu de cette énergie perdue et me faisait comme renouer avec mon corps, ne plus avoir cette sensation extrêmement désagréable d’être « dans un autre monde », de retrouver une ouïe correcte, c’était de manger du sucre !!
Toujours à l’écoute de mon corps et de mon ressenti, j’avais besoin d’ENERGIE alors je mangeais beaucoup de féculents, de petits gâteaux et de … chocolat !! J’ai eu 3 injections pour ce protocole et à chaque fois le même ressenti et le même « remède »! Je ne sais pas si cela fera le même effet à tout le monde mais finalement ça ne coûte rien d’essayer !!!! »
Isabelle, 54 ans au diagnostic


« Problème de concentration - J'avais le vide dans ma tête, impossible de mémoriser, de suivre un cours, alors que j'étais en formation. Il est apparu dès le début de la chimio. Je l’attribue à la maladie, à la chimiothérapie. Cela a duré plus d'un an. Impact sévère : J'ai dû arrêter ma formation professionnelle. J’espère la reprendre en novembre 2014. Reconnaissance complète de l’effet adverse par le médecin traitant, le spécialiste, l’infirmière ».
Base de données OEA, anonyme, 39 ans au diagnostic


« Sensation d'avoir chaque idée, pensée ou objectif court-circuité par un ou une autre ; difficulté à rester concentrée sur une tâche, limite à être angoissée si plusieurs s'enchaînent. J’attribue cet effet adverse à la maladie, la chimiothérapie, la radiothérapie. Durée plus d'un an avec un impact modéré Cet effet adverse (seul) n'est pas la raison de la demande AI. Le médecin traitant, le spécialiste, l’infirmière ont montré une reconnaissance partielle. Aucune reconnaissance familiale, à la limite du manque de respect. »
Base de données OEA, anonyme, 53 ans au diagnostic


« Mon témoignage: novembre 2016: mastectomie du sein droit. Janvier à avril 2017: traitement de chimiothérapie. Un mois de repos en Mai et hop démarrage du traitement au tamoxifen prévu pour 5 ans. J'ai repris le travail progressivement entre juin2017 et janvier 2018. J'avoue que mes capacités de concentration et de mémorisation étaient très limitées à ma reprise. Mais je suis heureuse d'avoir osée en parler à mes collaborateur-trice-s, à mon directeur, à mes proches. Il me
semble, avec du recul, que j'ai reçu l'écoute nécessaire pour reprendre sereinement et me sentir en confiance.  Je pense que c'est essentiel. Mon oncologue m'a beaucoup encouragée aussi. J'ai dû ensuite interrompre le tamoxifen après avoir effectué plusieurs pauses: j'étais épuisée et avec des douleurs articulaires insoutenables. Nous avons tenté un autre médicament mais idem: trop de fatigue. J'ai donc pris le risque, en accord avec mon oncologue, de stopper définitivement le traitement au bout de 2 ans.  Aujourd'hui, je ressens toujours une fragilité au niveau de ma mémoire mais je tiens à dire que j'ai retrouvé toute ma capacité de concentration. Ce qui m'aide c'est essentiellement la pratique d'activités physiques de centrage,de renforcement musculaire et de coordination telles que le pilates et la barre à terre. J'ai dû accepter humblement de faire des "to do list" pour à peu près tout! Ces fragilités sont aussi en cumul avec la ménopause forcée et les troubles liés à ce changement hormonal très important. Il est vital de s'octroyer des espaces de repos, de bien-être et de pouvoir parler de ses difficultés avec ses médecins et ses proches. La marche et la randonnée m'aident énormément. Bref, ce que je tiens à dire, pour toutes celles (qui ne peuvent comme moi bénéficier de soutiens hormonaux), c'est qu'il nous faut trouver tous les moyens pour recharger nos batteries en énergies positives! »
Bénitah

 

Alexandre Bodmer médecin oncologue

Grande Interview

Réassembler les pièces du puzzle

"Le chemobrain peut mettre des années à disparaître"

Les atteintes du système nerveux font partie des effets secondaires les plus fréquents du traitement contre le cancer du sein. Leur nombre devrait même encore augmenter à l’avenir étant données l’amélioration de l’espérance de vie des patientes et la multiplication des séances de chimiothérapie qui leur sont proposées, le cancer devenant en effet une maladie chronique dans bien des cas. Concrètement, environ la moitié des femmes qui s’engagent dans une chimiothérapie risquent de souffrir d’une perturbation plus ou moins importante de la sensibilité dans les extrémités des mains et des pieds. Et deux tiers d’entre elles peuvent expérimenter le chemobrain (cerveau chimio) qui désigne un ensemble de troubles cognitifs comprenant notamment de la peine à se concentrer et à mémoriser ainsi qu’une fatigue chronique importante. «En général, ces effets sont transitoires, tempère Alexandre Bodmer, médecin oncologue responsable du Centre du Sein et de l’Unité d’Oncogynécologie médicale des Hôpitaux universitaires de Genève. Cependant, le chemobrain peut mettre des mois ou des années à disparaître et, dans un petit nombre de cas, la diminution de la sensibilité dans les extrémités peut devenir permanente si le problème n’est pas pris en compte assez rapidement.»

"Il se trouve en effet que certains produits utilisés dans les chimiothérapies sont neurotoxiques"

Atteintes périphériques
Il se trouve en effet que certains produits utilisés dans les chimiothérapies contre le cancer du sein, choisis avant tout pour leur capacité à cibler les cellules qui se divisent rapidement (une des caractéristiques des cellules tumorales), sont neurotoxiques. Les médicaments de première ligne incriminés comprennent notamment ceux de la famille des taxanes (le paclitaxel, le docétaxel, le nab-paclitaxel) et les dérivés du platine (cisplatine, oxaliplatine). On peut ajouter à cette liste la capécitabine, utilisée le plus souvent dans le cas où le cancer développe des métastases.  
Ces molécules ne détruisent pas directement les neurones mais entraînent des irritations et des dommages sur différentes parties des cellules nerveuses ainsi que sur les neurotransmetteurs, c’est-à-dire les petites molécules qui assurent la liaison entre les cellules nerveuses. De ces atteintes découlent en premier lieu des neuropathies essentiellement sensitives – les neuropathies motrices sont beaucoup plus rares.

Les doigts et les orteils
«Chez certaines patientes, ces neuropathies se traduisent par une augmentation de la sensibilité aux bouts des doigts ou des orteils, note Alexandre Bodmer. Cette hyperesthésie, comme nous l’appelons, donne l’impression que l’on enfonce de petites aiguilles dans la peau. Chez d’autres personnes, la sensibilité va au contraire diminuer et produire la sensation d’avoir une peau cartonnée au bout des doigts et des orteils.»
Ces symptômes peuvent entraver certains gestes du quotidien qui demandent de la précision tels que boutonner un chemisier ou tenir un crayon. Les patientes qui souffrent d’une diminution de la sensibilité risquent de lâcher des objets car elles ne les sentent plus correctement dans leur main. Au niveau des pieds, une perturbation de la sensation de contact avec le sol via les orteils entraîne des troubles de l’équilibre.
Alexandre Bodmer collabore d’ailleurs sur ce thème avec Aline Reinmann, physiothérapeute et assistante à la Haute école de santé, qui mène actuellement une étude évaluant l’impact de la chimiothérapie sur l’équilibre et la transmission neuro-sensitive périphérique et centrale des patientes (lire article en page 4).

Informer les patientes
«Les symptômes des neuropathies n’apparaissent en général qu’après un certain nombre de traitements, sous l’effet additionnel des doses de médicaments, explique Alexandre Bodmer. Le plus souvent, ces toxicités sont transitoires et durent le temps du traitement. Mais il existe un risque qu’elles s’installent plus longtemps, voire définitivement. Pour éviter cela, nous essayons de détecter le plus rapidement possible les premiers signes de ces neuropathies. Dans cette
optique, il est très important que les patientes soient elles-mêmes informées de l’existence de ces effets secondaires afin qu’elles puissent les détecter et alerter leur médecin. Si de tels symptômes apparaissent, il convient alors d’examiner la possibilité de modifier la composition de la chimiothérapie. Car il n’existe malheureusement pas de traitements éprouvés permettant de soigner ces effets secondaires. Le mieux consiste à les prévenir au maximum.»

Prévenir les neuropathies
Pour ce faire, il existe une petite marge de manœuvre dans le choix des produits chimiothérapeutiques. Parmi ceux qui sont susceptibles de causer des neuropathies, certains sont en effet plus ou moins neurotoxiques selon les doses et les rythmes d’administration. Du coup, un bon choix de ces paramètres permet de diminuer sensiblement les risques d’effets secondaires. Les doses ne peuvent toutefois pas être trop diminuées, au risque de dégrader les performances du traitement. Il est également possible d’identifier les patientes à risque afin d’ajuster le traitement dès le départ. «Certaines personnes sont en effet plus sensibles que d’autres aux neuropathies, confirme
Alexandre Bodmer. C’est le cas notamment de celles qui présentent des neuropathies préexistantes, qui consomment régulièrement de l’alcool (qui est un produit neurotoxique) ou encore qui souffrent du diabète, une maladie qui touche le système nerveux.»
Se basant sur son expérience personnelle, le médecin observe que le risque de développer des neuropathies semble aussi plus grand chez des femmes qui ont déjà des problèmes statiques, c’est-à-dire des maux de dos, une hernie discale, etc. La prévention des neuropathies peut également s’appuyer sur quelques autres techniques mais à l’efficacité jugée moyenne. L’une d’elle consiste à administrer aux patientes de la vitamine B afin de fortifier les neurones avant le traitement dans l’espoir de réduire l’impact de la chimiothérapie. Une autre propose d’équiper la personne de gants et de bottes réfrigérés afin de réduire la circulation sanguine dans les extrémités et d’y faire baisser localement la concentration des médicaments neurotoxiques et donc les neuropathies. Dans les deux cas, cependant, seuls 10 à 20% des patientes répondent favorablement à un tel traitement.

Chemobrain
En plus des neuropathies, un autre effet secondaire neurologique fréquent est le chemobrain. C’est d’ailleurs chez les femmes touchées par le cancer du sein que ce phénomène a été décrit la première fois en 2003. Les patientes qui en souffrent se plaignent de troubles de la mémoire à court terme, de la concentration et d’une incapacité de reprendre certaines activités intellectuelles qui étaient normales avant la chimiothérapie. Les effets sont perçus à tout âge (quoique plus intensément à un âge plus avancé) et les symptômes, qui peuvent apparaître pendant ou après la chimiothérapie, diminuent ensuite progressivement, parfois durant six, voire douze mois, dès l’arrêt des traitements. L’intensité des effets du chemobrain augmente aussi avec la dose de la chimiothérapie ainsi que dans les cas où cette dernière est doublée d’une hormonothérapie.
La majorité des cancers du sein sont en effet dits hormonosensibles, c’est-à-dire que les hormones sexuelles féminines, en particulier les œstrogènes, favorisent leur croissance et leur prolifération. Les patientes dont la tumeur entre dans cette catégorie doivent alors passer par une thérapie destinée à couper la production de ces hormones, c’est-à-dire provoquer une suppression hormonale qui a, elle aussi, un impact important sur la mémoire et la concentration.
L’hormonothérapie s’ajoutant au chemobrain, l’effet néfaste est plus long, la récupération plus lente.
Plusieurs études récentes ont permis de mieux comprendre ce qui se passe dans un chemobrain. La plus connue d’entre elles, menée en 2007, a suivi deux jumelles, l’une souffrant du cancer du sein et l’autre non. Les deux femmes étaient soumises à de l’imagerie par résonnance magnétique fonctionnelle (IRMf) alors qu’elles réalisaient des tâches cognitives testant la mémoire et la concentration. La jumelle malade, traitée par chimiothérapie et sous hormonothérapie, était plus lente à effectuer ces exercices que sa sœur. Les médecins ont également mesuré chez elle une désorganisation de la structure cérébrale et une dégradation dans l’activation de différentes zones cérébrales mobilisées durant les tâches. Le suivi, qui a duré plusieurs années, a montré que si les performances cognitives ont fini par retrouver assez vite le niveau d’avant le diagnostic, la récupération complète du fonctionnement neurologique tel que mesuré par l’IRMf a, quant à elle, duré plus de trois ans.

"Cette double peine devient une triple peine puisque les instances fédérales ne reconnaissent que rarement ce handicap"

Triple peine
«Le problème du chemobrain devient particulièrement aigu au moment où la femme retourne au travail quelques mois après la fin du traitement, souligne Alexandre Bodmer. Son rendement est parfois moins bon qu’avant et son retour peut se solder par un échec professionnel. Certaines personnes peuvent perdre leur emploi de cette manière. Et cette double peine devient même une triple peine puisque les instances fédérales ne reconnaissent que rarement ce handicap.
L’Assurance invalidité, censée prendre en charge ce genre de cas, a en effet beaucoup plus de difficultés à évaluer une baisse de la concentration qu’une incapacité physique. Pour les femmes qui subissent ces épreuves en cascade (annonce de la maladie, traitement, effets secondaires, retour difficile au travail, manque de reconnaissance…), ça commence à faire beaucoup.»

Symptômes subtils
Selon un article paru dans la revue Monitor on Psychology de l’Association américaine de psychologie, entre 20 et 35% des patientes continuent d’éprouver des symptômes de type chemobrain durant des mois ou des années après l’arrêt des traitements. Ces troubles, qui nuisent à la qualité de vie, ne sont pas toujours détectés par les médecins, les collègues ou les proches.
«La plupart des symptômes du chemobrain, particulièrement subtils, sont difficiles à évaluer, admet Alexandre Bodmer. Nous avons des questionnaires sur la qualité de vie mais ils ne contiennent pas de questions sur une éventuelle diminution de la mémoire ou de la concentration.»
Il existe peu de moyens thérapeutiques pour traiter ou prévenir les effets du chemobrain. La littérature scientifique rapporte que la plupart des tentatives se sont avérées inefficaces, au mieux non concluantes. Un article paru en février 2019 dans The Lancet Oncology fait néanmoins état d’essais cliniques actuellement en cours qui testent des médicaments neuroprotecteurs tels que le lithium, la fluoxetine, les patchs de nicotine, de l’ibuprofène et autres antioxydants.
Le meilleur conseil visant à éviter au maximum le chemobrain reste donc probablement toujours le même, à savoir une alimentation saine, pas d’alcool ni de tabac, un bon sommeil, de l’exercice physique et, surtout, ne jamais oublier de faire travailler les méninges, notamment à l’aide de techniques d’entraînement des aptitudes cognitives ou de «pleine conscience».  

Quand le vase déborde
«La chimiothérapie ne provoque pas directement une dépression ou de l’angoisse, précise finalement Alexandre Bodmer. C’est le cancer lui-même et le lot de bouleversements (dont les traitements font partie) qu’il entraîne qui affectent durement l’humeur. Des effets secondaires, tels que la dégradation de ses capacités cognitives, ne font qu’augmenter une angoisse déjà bien présente. Cela dit, pour une patiente qui adore lire, par exemple, et qui à chaque fois qu’elle termine une page d’un livre ne se rappelle plus le début, cela peut représenter la goutte d’eau qui fait déborder le vase et entraîner une dépression.»

En deux mots

 

  • Les traitements anticancers peuvent produire des effets secondaires neurotoxiques sur le système nerveux périphérique et central.
  • Les neuropathies touchent les mains et les pieds, entraînant des troubles de préhension et d’équilibre.
  • Le «chemobrain» entraîne des troubles de la mémoire et de la concentration et une incapacité à reprendre certaines activités intellectuelles.
  • Ces effets sont en général transitoires mais peuvent parfois durer des années après la fin des traitements.

En pratique

Contre le «chemobrain»

  • Préparez des rappels à l’aide de votre téléphone mobile ou tout autre aide-mémoire.
  • Entraînez votre cerveau en apprenant une langue ou en pratiquant des jeux de mémoire, des sudokus ou des mots croisés.
  • Organisez les informations à retenir, répétez-les à plusieurs reprises et sur des intervalles de temps de plus en plus longs, créez des liens entre elles et un savoir déjà acquis, etc.
  • Prenez soin de votre santé. Des activités physiques et une alimentation saine permettent aussi d’améliorer votre humeur et votre attention et de diminer la fatigue. Méditation, relaxation, sophrologie peuvent aider.
  • Suivez des routines, remettez toujours les objets au même endroit et essayez de garder le même horaire tous les jours.
  • Faites une chose à la fois et prévoyez du temps supplémentaire pour vos tâches.
  • Indiquez dans un journal les problèmes que vous rencontrez, l’heure, les médicaments que vous prenez et ce que vous faites à cet instant afin de déterminer ce qui affecte votre mémoire et de planifier des rendez-vous importants aux bons moments.

Contre les neuropathies

  • Maintenez votre mobilité par le biais d’activités physiques, de séances de physiothérapie, de yoga, de tai-chi, etc.
  • Limitez la conduite en voiture pour diminuer les risques.

Dans tous les cas

  • Parlez à votre médecin des problèmes neurologiques que vous rencontrez et informez vos proches de ce que vous vivez.

Source: www.cityofhope.org/OEA

Littérature scientifique

 

«Adaptations to cognitive problems reported by breast cancer survivors seeking cognitive rehabilitation: A qualitative study», Green HJ et al. Oncology (2019);  https://doi.org/10.1002/pon.5189

«A new normal with chemobrain: Experiences of the impact of chemotherapy-related cognitive deficits in long-term breast cancer survivors», Henderson FM et al. Health Psychol Open (2019);   https://doi.org/10.1177/2055102919832234
 
«Plausible biochemical mechanisms of chemotherapy-induced cognitive impairment («chemobrain»), a condition that significantly impairs the quality of life of many cancer survivors», Ren X et al. Biochim Biophys Acta Mol Basis Dis (2019); https://doi.org/10.1016/j.bbadis.2019.02.007

«Cancer-related cognitive impairment: an update on state of the art, detection, and management strategies in cancer survivors», Lange M et al. Annals of Oncology  https://doi.org/10.1093/annonc/mdz410

«Cognitive rehabilitation for cancer-related cognitive dysfunction: a systematic review», Fernandes HA et al. Support Care Cancer (2019); https://doi.org/10.1007/s00520-019-04866-2

«Suivi à long terme du patient oncologique: enjeux et défis», Sciotto F et al. Rev Med Suisse (2017); 13: 1044-8;  https://www.revmed.ch/RMS/2017/RMS-N-563/Suivi-a-long-terme-du-patient-o...

«Complications neurologiques des traitements anticancéreux», Hottinger AF et al. Rev Med Suisse (2016); 12: 840-3 ;  https://www.revmed.ch/RMS/2016/RMS-N-516/Complications-neurologiques-des...

«Brain Structure and Function Differences in Monozygotic Twins: Possible Effects of Breast
Cancer Chemotherapy», Ferguson J et al. J Clin Oncol (2007);  https://ascopubs.org/doi/10.1200/JCO.2007.10.8639


«Cognitive Effects of Cancer and Cancer Treatments», Ahles T and Root J. Annual Review of Clinical Psychology Vol. 14:425-451 (2018); https://www.annualreviews.org/doi/10.1146/annurev-clinpsy-050817-084903

«Coping with cancer-related cognitive dysfunction: A scoping review of the literature». Sleight A. Disability and rehabilitation. 38. 1-9.(2015); https://doi.org/10.3109/09638288.2015.1038364

«Cognitive Changes in Cancer Survivors», Hardy S J et al. ASCO Educational Book 796 (2018), asco.org/edbook; https://ascopubs.org/doi/full/10.1200/EDBK_201179

«Chemobrain: An Opportunity in Cancer Survivorship to Enhance Patient Wellness», Baer W. J Oncol Pract. Dec;13(12):794-796 (2017);  https://ascopubs.org/doi/10.1200/JOP.2017.027987 Communication.

illustration médecine intégrative

Coup de cœur

 

Un centre de médecine préventive et intégrative s'est ouvert à Genève

Un Centre médical avec une offre d’oncologie intégrative s’est ouvert en octobre 2020 dans le village médical de Hirslanden Clinique des Grangettes à Genève. Ce centre doit permettre aux patient-es de «mettre toutes les chances de leur côté dans cette période si délicate qui suit un diagnostic de cancer», explique son directeur administratif, Fabio Scalambrin, qui est à l’origine du projet. Grâce à une approche intégrative sur site, les patient-es en traitements bénéficient d’un parcours de soins amélioré.
Plusieurs études montrent que la mise en place de thérapies complémentaires en parallèle des traitements conventionnels dès le début de la prise en charge des patient-es produit des bénéfices mesurables en termes de qualité de vie, de rémission et de récidive. L’approche intégrative va au-delà du cancer stricto sensu, prenant en compte la personne dans sa globalité (le corps et l’esprit), y compris son contexte et son environnement. Font partie de la démarche de la prise en soins: le soutien psycho-oncologique, pour apprendre à réguler le stress et ses émotions tout au long du parcours de soins; l’onco-nutrition, adaptée à la personne et au type de cancer afin de préparer l’organisme aux traitements; la physiothérapie avec un programme de réhabilitation physique ainsi qu’une large palette de thérapies complémentaires: acupuncture, réflexologie, thérapie manuelle douce, hypnothérapie, méditation pleine conscience et  yoga-thérapie.
Ces prestations sont proposées à toute personne confrontée au cancer cherchant un mieux-être en diminuant les effets indésirables des traitements. L’onco-nutrition, la physiothérapie et la psycho-oncologie sont couvertes par la Lamal.
 
Renseignements:  
Centre de médecine intégrative & préventive,  
route de Chêne 123, bâtiment N, 1224 Chêne-Bougeries (GE),  
http://preventive-integrative.ch,  
+41 22 777 09 09

Aline Reinmann physiothérapeute

Un pas en avant

Certains produits utilisés dans les chimiothérapies contre le cancer du sein produisent des effets secondaires neurologiques dont une perte de la sensibilité dans les extrémités des mains et des pieds. Depuis quelques mois, Aline Reinmann, physiothérapeute et assistante à la Haute école de santé (HEdS), a commencé une étude visant à quantifier les conséquences que ces traitements peuvent avoir sur l’équilibre, une fonction potentiellement affectée par une perte de sensibilité du contact des pieds avec le sol. Mené en collaboration avec Alexandre Bodmer, oncologue responsable du Centre du sein aux Hôpitaux universitaires de Genève (lire aussi interview en page 2), Thibaud Kössler, oncologue aux HUG et Anne-Violette Bruyneel, professeure à la HEdS, ce travail de doctorat vise à déterminer plus précisément le taux de femmes qui développent de telles neuropathies périphériques, à quel degré et sur combien de temps. «J’évalue la capacité de contrôle postural de mes patientes à l’aide d’une plate-forme de force, explique Aline Reinmann. J’effectue des mesures avant et après le traitement afin de pouvoir comparer une éventuelle baisse des performances. Comme je viens de commencer, je n’ai pu voir pour l’instant qu’une poignée de patientes. Mais je compte avoir les premiers résultats d’ici le printemps ou l’été 2022.»
Qualité de vie
Ces données permettront de se faire une meilleure idée de l’ampleur du problème. Les neuropathies provoquées par la chimiothérapie sont en général réversibles. Mais un certain nombre de femmes continuent, des années après, à rapporter une dégradation de leurs capacités d’équilibre suffisamment significative pour altérer la qualité de leur vie quotidienne.
«Mon objectif est de rétablir leur fonction d’équilibre, complète Aline Reinmann. On peut y contribuer à l’aide de la physiothérapie mais aussi grâce à d’autres approches comme le yoga.»

Un pas en avant, aussi

 

«L’ergothérapie, une approche au service du traitement des douleurs neuropathiques induites par la chimiothérapie, pour les patientes atteintes du cancer du sein»

 par Blandine Le Mené, ergothérapeute, rééducatrice sensitive des douleurs neuropathiques certifiée, naturopathe.

Selon l’AFSOS (Association Francophone des Soins Oncologiques de Support), les atteintes du système nerveux périphérique sont fréquentes pendant le cancer : 15 à 25 % des patients sont susceptibles de présenter une douleur neuropathique. Les neuropathies sensitives sont souvent induites post chimiothérapie ou après une chirurgie de métastase. En présence de cancer du sein, les plexus cervical, brachial et lombosacré peuvent être touchés avec des compressions nerveuses liées aux métastases ganglionnaires (diagnostic via IRM, TDM). Des lésions des neurofibres C vont engendrer une hypoesthésie thermique. L’ergothérapeute peut apporter des conseils pour protéger les extrémités du corps du froid. Des lésions des neurofibres A bêta vont engendrer neurophysiologiquement une hypoesthésie vibro-tactile. La sensibilité au toucher peut être diminuée, perçue comme « engourdie » avec des « fourmillements » : c’est une hyposensibilité. Parfois, elle est douloureuse au toucher : c’est une allodynie mécanique. Peuvent s’y ajouter des sensations de « brûlure » et de « décharge électrique ». La rééducation sensitive, pratiquée à la fin des traitements de chimiothérapies, vise à diminuer les douleurs neuropathiques périphériques avec lésions axonales A bêta via des exercices de stimulation de la peau de courte durée à faire quotidiennement.  L’ergothérapeute cherchera sur votre peau les régions où la sensibilité au toucher est altérée. L’examen se fait avec des monofilaments Semmes Weinstein, le test de discrimination de 2 points statiques, le vibralgic/vibradol. Cette évaluation est complétée par le questionnaire de la Douleur Saint Antoine ou McGill. La régénération des nerfs est très lente et dure souvent plusieurs semaines. Via les exercices et thérapies, le corps humain reconstruit un lien entre l’axone lésé et un axone « qui va bien ». La récupération de la sensibilité peut aussi se faire grâce à la neuroplasticité adaptative. Le but du traitement en ergothérapie avec cette méthode est de réapprendre au cerveau à bien interpréter les messages envoyés par la peau.
Dans le cadre de cancer du sein, il peut y avoir des atteintes nerveuses sensitives, mais aussi motrices. Ces atteintes motrices affectent souvent la qualité de vie la journée et/ou la nuit. Si l’atteinte motrice est liée à une forte douleur, l’ergothérapeute peut conseiller un positionnement antalgique personnalisé à chaque patiente. Si l’atteinte motrice est liée à une faiblesse musculaire aux membres supérieurs provoquant des limitations fonctionnelles, l’ergothérapeute propose par exemples des exercices de renforcement, de dextérité fine, conseille des astuces et moyens auxiliaires, peut concevoir des orthèses, pour compenser les déficits dans les activités de la vie quotidienne.
Blandine Le Mené, ergothérapeute

Vu ici et ailleurs  


ONCOGITE
L’association onCOGITE offre explications et ateliers ainsi qu’une application permettant
d’entraîner la concentration, la mémoire, la logique et la planification afin d’aider à la reprise
professionnelle après les traitements anti-cancer.
https://oncogite.com
 
ERGOTHERAPIE
À Genève, deux ergothérapeutes certifiées proposent aux patientes en oncologie et sur
prescription médicale la méthode de «rééducation sensitive des douleurs neuropathiques»:
Blandine Le Mené aux HUG, et Anémone Camby, à l’hôpital de La Tour.
neuropain.ch/fr/therapeutes  
 
ONCONEUROTOX
Créé par l’Association des neuro-oncologues d’expression française, le réseau Onconeurotox propose une expertise aux patient-es concerné-es par les neurotoxicités des traitements anti-cancer.
https://onconeurotox.fr
 
Plateformes CANCER  et COGNITION  
Deux plateformes ont été lancées pour comprendre et évaluer l’impact du cancer et de ses traitements sur le fonctionnement cognitif et comportemental des patient-es: celle du Cancéropole Nord-Ouest français et celle de l’International Cognition and Cancer Task Force.
www.canceretcognition.fr
www.icctf.com

Illustration Baromètre de l'Observatoire

Baromètre de l'Observatoire

Données rapportées par les patientes à l'Observatoire des Effets Adverses (juin 2020).

Services offerts

L’Observatoire vous propose : la permanence, le carnet de bord©, les ateliers, la base de données 

La permanence offre des entretiens en face-à-face, par téléphone et par email dès le diagnostic de cancer du sein, pendant et après les traitements.
Le Carnet de Bord© vous accompagne, vous aide à naviguer et à garder le cap face au cancer du sein.
Les ateliers permettent d'échanger sur les impacts et de trouver des ressources.
La base de données alimente la recherche et les actions en faveur des patientes. Elle accueille de manière confidentielle les données de votre parcours pour améliorer celui d’autres patientes, leur qualité de vie et les soins.

+41 22 379 49 78

 

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