Newsletter N°1 - Octobre 2018

La sécheresse des muqueuses

Edito

Soignées et soignant-e-s proposent des solutions

Elles n’en parlent pas ou peu, ne se plaignent pas ; pourtant la sécheresse des muqueuses figure parmi les effets adverses gênants du cancer du sein et des traitements, particulièrement quand ils se situent dans la zone intime.

Ce qui peut sembler banal dans la phase aigüe des traitements, quand soigner le cancer est la seule chose qui compte, peut néanmoins avoir un impact sur la durée. Parler dès le premier inconfort, ne plus souffrir en silence, est une question de santé autant physique que psychique.

L’espoir de l’Observatoire des effets adverses (OEA) est que toute femme puisse bénéficier, avant et après traitement, de bilans oculaires, bucco-gingivaux, et aussi de la muqueuse vaginale. Ceci favoriserait des prises en charge précoces et le remboursement par l’assurance de base.

Il existe des solutions permettant de préserver la qualité de la vie des patientes.

La Newsletter de l’OEA dont vous lisez le premier numéro a pour but de les promouvoir. Que vous soyez professionnel-le ou patiente, aidez-nous à le faire!

Dessin de Pécub sur la sécheresse des muqueuses

Témoignages

« Pendant les traitements, outre les changements de la vie quotidienne, fatigue et autres, ma vie intime a été quelque peu bouleversée. Tout d’abord parce qu’il y a des changements qui s’opèrent sur le corps, accepter un nouveau sein, accepter de ne plus avoir de cheveux. Tout cela peut avoir un impact sur la sexualité et sur le partenaire. Pourtant malgré une sécheresse des muqueuses, j’ai vécu une belle sexualité durant le traitement de mon cancer du sein. Je n’ai eu recours à aucun conseil en particulier, ni de mon médecin, ni de mon pharmacien. J’ai eu la chance d’avoir un partenaire très compréhensif et très doux. »

Alexandra, 40 ans, 35 ans au diagnostic

« Quand je la prenais dans mes bras, totalement glabre, mise à nu par ce cancer qui donnait à la mort toute sa présence, je sentais sa petite âme fluette, épeurée, et je lui ouvrais tout l’espace de mon cœur! Le plus beau c’est qu’en retour, cette petite âme m’a ébloui : envers et contre tout, elle voulait chanter sa joie! »

ER, son ami

« J’ai été diagnostiquée en 2012 et ai eu 6 séances de chimiothérapie. J’ai eu pas mal d’effets secondaires, pour lesquels j’avais été informée par les oncologues. Par contre, j’ai également ressenti de la sécheresse au niveau vaginal. À aucun moment un médecin ne m’en a parlé, ni avant le traitement, ni pendant, ni après. Avec le temps, la situation s’est légèrement améliorée. Cela ne me gêne plus trop ce pan de ma vie étant en suspens. »

Suzanne, 57 ans, 51 ans au diagnostic

Et  vous,  comment  l’avez-vous  vécu ?    I   www.savoirpatient.ch/temoigner 

Portrait

Muqueuses en détresse

« Il existe des remèdes à la sécheresse vaginale »

De nombreuses patientes traitées contre le cancer du sein souffrent de sécheresse vaginale. Quelle en est la cause?
Anne-Thérèse Vlastos : La sécheresse des muqueuses est un des symptômes de la ménopause. Celle-ci, caractérisée par l’arrêt de la fonction ovariennne, apparaît de manière naturelle à l’âge moyen de 52 ans. Mais elle peut également survenir brutalement chez les patientes atteintes d’un cancer du sein alors qu’elles ne sont pas encore ménopausées (elles représentent 20% des cas de cancer du sein).

Comment cela?
L’annonce de la maladie provoque un coup émotionnel qui peut suffire à faire diminuer la fonction des ovaires. Mais c’est surtout le traitement du cancer qui entraîne la ménopause prématurée. Les ovaires sont en effet définitivement mis à l’arrêt si l’on doit recourir à la chimiothérapie ou à l’ablation de ces organes qui sont le siège de la production des hormones sexuelles et des ovocytes. La patiente se retrouve alors du jour au lendemain en ménopause alors que cette transition dure normalement des mois, voire des années et qu’on peut l’accompagner en douceur.

Quel est le lien entre la ménopause et la sécheresse vaginale?
Les femmes ménopausées, que la cause soit naturelle ou pas, ne produisent plus assez d’hormones, en particulier les œstrogènes. Ces dernières sont un fertilisant extraordinaire. Elles favorisent notamment la fabrication par les cellules de glycogène. Cette forme complexe de glucose donne aux tissus du volume, de la douceur et de la souplesse. Dans le vagin, une concentration élevée de glycogène va de pair avec une flore microbienne de qualité ainsi que des sécrétions qui assurent une bonne lubrification. Lorsque les œstrogènes viennent à manquer, la production de glycogène diminue. Les cellules qui tapissent l’intérieur du vagin s’aplatissent et perdent leur élasticité. La flore microbienne s’appauvrit et les sécrétions se tarissent. La vulve et le vagin s’assèchent et s’atrophient.

« Lorsque les oestrogènes viennent à manquer, les cellules qui tapissent l'intérieur du vagin perdent leur élasticité. »

Le traitement contre le cancer provoque-t-il une chute d’œstrogènes plus importante que la ménopause naturelle?
Lors de la ménopause naturelle ou induite, il reste toujours un taux d’œstrogènes « résiduel » dans le corps. Même si les ovaires cessent de fonctionner, les cellules graisseuses produisent également une forme d’œstrogènes. Les antihormones, administrées pendant plusieurs années, cherchent à les supprimer le plus possible.

Que ressentent les femmes souffrant de sécheresse vaginale?
Une sécheresse des muqueuses du vagin et de la vulve peut provoquer des douleurs dès que l’on croise les jambes. Des activités telles que la marche, le sport ou encore l’équitation deviennent alors impossibles. À la piscine, le risque d’infection mycotique augmente. Dès qu’il fait chaud, on ressent des brûlures. Les problèmes urinaires se multiplient (infections chroniques, douleurs à la miction, incontinence). Le plaisir sexuel en pâtit aussi. L’espace entre les cellules nerveuses est rempli par des substances telles que l’acide hyaluronique. Si ces dernières s’atrophient, les nerfs se touchent et, même en présence de lubrifiant artificiel, l’organe du plaisir ne fonctionne plus correctement.

Peut-on administrer des œstrogènes aux patientes?
Le problème, c’est que les œstrogènes sont un fertilisant pour toutes les cellules y compris tumorales, du moins celles qui ont à leur surface des récepteurs spécifiques, ce  qui  est  souvent le cas avec le cancer du sein. Dès lors, donner cette hormone aux patientes, c’est leur faire courir un risque important de récidive. La suppression hormonale est un résultat recherché par le traitement contre ce cancer car elle est associée à un meilleur taux de survie.

Quelles autres solutions proposez-vous?
Pour obtenir une renaissance du tissu vulvo-vaginal, on peut faire appel à des crèmes hydratantes, à des lubrifiants ou encore à des produits à base d’acide hyaluronique que l’on injecte dans les tissus du vagin. Cette molécule, utilisée pour la régénération de la peau et le comblement des rides, s’est avérée également capable d’atténuer la sécheresse vaginale. On peut aussi administrer des probiotiques pour rétablir la flore vaginale (lire: En pratique).

Faut-il appliquer ces traitements avant chaque relation sexuelle?
Oui. Il est important de rendre les rapports sexuels agréables afin de réveiller le désir d’en avoir d’autres. Les relations sexuelles stimulent la production d’autres hormones dans le cerveau qui procurent, entre autres, un meilleur sommeil qui, à son tour, diminue les risque de dépression. En résumé, hydrater son vagin contribue au bien-être cérébral. Mais tous ces traitements ne sont pas la panacée. Ils lubrifient mais ne permettent en aucun cas la réhydratation des cellules atrophiées de la muqueuse vaginale. Ils doivent donc être répétés à une fréquence peu acceptable sur le long terme.

N’existe-t-il pas de traitement définitif?
La sécheresse vaginale est un vieillissement des tissus. C’est comme avec les cheveux blancs. On peut les teindre mais quand on arrête la coloration, ils redeviennent blancs. Cela dit, la technique qui se rapproche le plus d’une forme de réversibilité est la réjuvénation au laser.

De quoi s’agit-il ?
C’est un appareil que l’on introduit dans le vagin et qui émet un faisceau laser permettant d’enlever la première couche de cellules atrophiées. Cette opération non douloureuse envoie un signal aux cellules souches qui  sont  en dessous pour qu’elles régénèrent cette couche. Une nouvelle muqueuse, mieux hydratée, se met alors en place. Il faut répéter le processus trois fois, à quelques semaines d’intervalle. Et c’est terminé.

Pour toujours?
C’est ce qu’on espère. Bien sûr, après le traitement, il faut continuer à entretenir son vagin avec des crèmes et des produits destinés à enrichir la flore vaginale. Le mieux est encore la technique naturelle. Les rapports sexuels rendent en effet la muqueuse plus souple et le sperme contient des substances bénéfiques pour entretenir l’hydratation. En cas d’inactivité totale, il est possible que l’on doive réitérer l’opération au laser 3 à 5 ans plus tard.

« Plus on agit vite, plus on obtient des bons résultats. Plus on attend, plus les tissus deviennent rigides et atrophiés. »

Cette technique est-elle répandue en Suisse?
Non, beaucoup moins qu’en France ou en Italie. La population suisse est assez prude. Les femmes ne parlent pas facilement de leur vie intime. Elles consultent leur gynécologue pour les contrôles usuels (grossesses, accouchement, maladies) mais pas pour des questions ayant trait au plaisir sexuel.

Comment expliquez-vous cette attitude?
Certaines patientes ignorent qu’elles ont le droit d’exister en tant que femme après un cancer du sein. Cette maladie prend tellement de place qu’elles se contentent parfois d’être le support de sa guérison. Certaines femmes ne guérissent jamais totalement. Et puis, avec le cancer du sein, on est touché dans sa santé et dans sa féminité mais on perd parfois aussi son emploi, son statut social ou encore son conjoint. Cette histoire de vagin tout sec devient alors secondaire. C’est pourquoi il est important d’informer les femmes qu’elles peuvent y remédier. Quand on survit à cette maladie à 50 ans, il reste tout de même encore en moyenne plus de trente ans à vivre. Il faut éviter de jeter sa féminité en même temps que le cancer.

Est-il important de traiter rapidement la sécheresse vaginale?
Plus on agit vite, plus on obtient de bons résultats. Plus on attend, plus les tissus deviennent rigides et plus il devient difficile d’éviter les douleurs et l’inconfort liés à l’atrophie des tissus.

Ces traitements sont-ils remboursés par les assurances?
Non. Mais on y travaille.

Que faut-il éviter à tout prix, si l’on a recours à l’automédication?
Les œstrogènes sont à prohiber ainsi que les molécules qui leur ressemblent et qui ont un effet similaire. De manière générale, il ne faut rien prendre sans en référer au préalable à son médecin. Même avec les médecines les plus douces, il est toujours possible de créer des synergies indésirables capables de provoquer des catastrophes.

En deux mots

 

  • La sécheresse vaginale est une conséquence de la ménopause qui, elle, peut être naturelle ou provoquée par le traitement anticancéreux.
  • La ménopause entraîne une chute du taux d’œstrogènes. En temps normal, cette hormone sexuelle agit sur les cellules des muqueuses et assure une bonne lubrification.
  • Plusieurs traitements permettent de remédier à la sécheresse vaginale à plus ou moins long terme, mais aucun n’est définitif.
  • Les traitements à base d’œstrogènes sont à proscrire, cette hormone risquant de provoquer une récidive du cancer.

En pratique

Contre la sécheresse vaginale chez les patientes traitées contre le cancer du sein, il existe trois catégories de remèdes. Le point avec Isabelle Celardin, pharmacienne à Genève:

  • Les huiles végétales apportent des propriétés régénérantes et nourrissantes qui permettent de lutter contre la sécheresse de la muqueuse vaginale. Toutefois, ces huiles contiennent parfois des substances pouvant mimer l’effet de l’œstrogène, hormone impliquée dans la croissance tumorale. Il convient donc, jusqu’à preuve scientifique du contraire, d’éviter l’huile de grenade, les huiles obtenues à partir de graines pressées (jojoba, sésame, lin, argan...) et de favoriser celles d’avocat, de coco, de rose musquée, parmi d’autres.
  • Ces huiles végétales servent également de véhicule à d’autres principes actifs, comme l’acide hyaluronique à haut poids moléculaire ou certaines huiles essentielles (carotte, lavande par exemple) à des concentrations bien précises.
  • L’acide hyaluronique à haut poids moléculaire, qui a la propriété de retenir l’eau et possède une action hydratante, s’applique sous forme de gel.
  • Les probiotiques, administrés sous forme de petits ovules, permettent de restaurer une flore vaginale que la sécheresse des muqueuses a tendance à décimer. Cela permet notamment de lutter contre les infections devenues plus fréquentes.

Littérature scientifique

 

  • Kingsberg S, Larkin L. Editorial. Shining the light on genitourinary syndrome of menopause in survivors of breast cancer. Menopause : The Journal of The North American Menopause Society. Vol. 24, No. 12, 2017. DOI : 10.1097/ GME.0000000000001007
  • Marino J L, McNamara, Hickley M. Managing menopausal symptoms after cancer : an evidence based approach for primary care. Med J Aust, 2018 ; 208 (3) : 127-132. DOI : 10.5694/mja17.00693
  • Sousa M, Peate M, Lewis C, et al. Exploring knowledge, attitudes and experience of genitourinary symptoms in women with early breast cancer on adjuvant endocrine therapy. Eur J Cancer Care. 2018 ; e12820. https://doi.org/10.1111/ecc.12820
  • Yamamoto S, Masutani E, and Arao H. Effect of persistent menopausal symptoms on the wellbeing of Japanese breast cancer survivors. Nursing and Health Sciences (2016) 18, 379–386. DOI : 10.1111/nhs.12283
  • Sarah Cairo Notari, Sandra Fornage, Bénédicte Panes-Ruedin, Khalil Zaman. Sexualité après un cancer du sein : un sujet non tabou. Rev Med Suisse 2018 ; volume 14. 563-565
  • Gambacciani M & Levancini M. Vaginal erbium laser as second-generation thermotherapy for the genitourinary syndrome of menopause : a pilot study in breast cancer survivors. Brief Report. Menopause : The Journal of The North American Menopause Society. Vol. 24, No. 3, 2017. DOI : 10.1097/ GME.0000000000000761
activité physique HUG

Coup de cœur

L’activité physique pour contrer les effets adverses

Les patient-e-s adultes suivi-e-s en oncologie aux Hôpitaux universitaires de Genève peuvent désormais s’inscrire à un programme d’activité physique proposé par une équipe spécialisée et pluridisciplinaire. Possible à tous les stades de la  maladie, ce module de 12 semaines cherche à exploiter les bienfaits de l’activité physique en tant que moyen efficace pour contrer les symptômes dus au cancer et aux traitements. L’exercice régulier maintient en effet les capacités physiques, diminue la fatigue et le stress, favorise le bien-être et la confiance en soi.

Établi sur mesure pour chaque patient-e, le programme se base sur un bilan personnel. Il comprend une heure d’activité en groupe deux fois par semaine (gymnastique en salle, activités à l’extérieur, exercices d’assouplissement et d’équilibre, renforcement musculaire) et trois séances d’éducation thérapeutique.

Informations et contacts : https://tinyurl.com/OncologieHUG

Un pas en avant

Un programme coordonné

Le Centre d’oncologie des Eaux-Vives a mis en place cette année un programme ambulatoire de réadaptation oncologique en partenariat avec la Ligue suisse contre le cancer. Destiné aux personnes confrontées à un cancer, ce programme vise à traiter les atteintes d’ordre physique, psychique ou sociale que peuvent entraîner la maladie et ses traitements.

Cette stratégie thérapeutique complémentaire offre, sur une durée de 12 semaines, des soins personnalisés de physiothérapie, diététique, onco-sexologie, hypnose médicale, réflexologie, yoga, art-thérapie, podologie, conseils  en  image  corporelle et soutien social. Ceux-ci sont dispensés sous le contrôle d’un binôme oncologue-radiooncologue et coordonnés par une infirmière spécialisée, avec des évaluations en début, en milieu et en fin de programme.

Informations, contacts : https://tinyurl.com/ReaOnco

Vu ici et ailleurs

L'osteopathie endo-pelvienne, les Cafés-sexo, Cancer et Sexualité, Le Livre Blanc


L’ostéopathie endo-pelvienne : Proposée par le Centre du Sein du CHUV, cette technique peut traiter la sécheresse vaginale par l’amélioration de la vascularisation des tissus et de leur qualité d’élasticité ainsi que par un relâchement des muscles et des fascias souvent tendus en réaction à la douleur.
Infos:

Cafés-sexo : Pour discuter en toute confidentialité de ce dont on ne parle pas ou peu, la Ligue valaisanne contre le cancer a lancé les Cafés-sexo, destinés aux patient-e-s et conjoint-e-s.

Infos: 027 322 99 74

Cancer et sexualité «Cancer et sexualité» est un des thèmes des Midis de Pépinet, les conférences-débats de la Ligue vaudoise contre le cancer.

Infos: 021 623 11 18

Le Livre Blanc : «Le Livre Blanc. Cancer du sein, cancer de la prostate: vie intime et sexuelle», une publication écrite main dans la main par patient-e-s, conjoint-e-s et professionnel-le-s.

Ed. Médecine et Hygiène, 2012

baromètre de l'observatoire _ troubles ménopausiques vaginaux sexuels_ libido

Baromètre de l'Observatoire 

Extractions de la base de données de l'Observatoire des Effets Adverses (juin 2018)

Services offerts

L’Observatoire vous propose : la permanence, le carnet de bord©, les ateliers, la base de données 

La permanence offre des entretiens en face-à-face, par téléphone et par email dès le diagnostic de cancer du sein, pendant et après les traitements.

Le Carnet de Bord© vous accompagne, vous aide à naviguer et à garder le cap face au cancer du sein.

Les ateliers permettent d'échanger sur les impacts et de trouver des ressources.

La base de données alimente la recherche et les actions en faveur des patientes. Elle accueille de manière confidentielle les données de votre parcours pour améliorer celui d’autres patientes, leur qualité de vie et les soins.

+41 22 379 49 78

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